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    Hier soir, une amie m’a fait lire un auteur que je ne connaissais pas. Une découverte !

    Je n’ai  pas la prétention de connaître tous ceux qui écrivent. Ni même tous ceux, bien moins nombreux, qui sont lus. Et pour réduire mes limites, même pas ceux qui sont lus par mes amis, c’est dire !

     

    Donc, j’ai lu cet auteur. Mon problème maintenant est de vérifier ce qu’il raconte. Plus exactement, chercher la parade au danger qu’il relate.

    Je m’explique :

    D’après lui, chaque jour qui passe, dès qu’un oiseau ou même un canard –ça dépend des régions- vole un peu  près des nuages, il sert de point de visée pour un sombre Djinn qui profite pour gober un homme ou une femme, cela change d’un jour à un autre, pris au hasard.

    Peut importe le pays, ni le moment de la journée, ni les occupations de la cible. Dès qu’il est dans la rue, c’est une victime potentielle.

     

    Mon amie, justement, va à pied à son travail, tous les jours, et elle traverse un magnifique jardin avec des arbres grouillant d’oiseaux de toutes les variétés. Et d’autres personnes passent habituellement par le jardin en question, qui est un bon et beau raccourci entre deux quartiers de la ville.

    Le problème est qu’elle croisse de moins en moins de monde. Que des gens qu’elle voyait tous les jours, eh bien, ils ont disparu !  Et il y a aussi moins d’oiseaux.

    C’est exactement ce que l’auteur en question dénonce : Le Djinn nous mange du monde sans que nous sachions comment nous protéger !

     

    Mon amie ne sort plus sans une ombrelle de couleurs sombres, au tissu très épais, qui empêche de voir d’en haut ce qu’il y a dessous. Jusqu’à présent la diversion est efficace, mais combien de temps tardera le Djinn à comprendre la manœuvre et siroter mon amie, ombrelle comprise,  comme un crabe qu’il attraperait sur la plage ?

    Je me permets d’ouvrir dès à présent un lieu d’échange et d’informations sur le sujet, car le problème est grave. Toutes les informations sérieuses que quelqu’un pourra nous donner sur la manière efficace de contourner le danger aura les remerciements éternels de mon amie.

    Et les miens, car si je ne sort jamais à pied dans la rue, je l’aime bien, cette petite, tout de même !

     

    © Jorcas

     

     


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    Je ne sais pas si l’on peut appeler cela un nuage. Je n’en ai jamais vu de vrai. Mais c’est le nom qui me venait en tête. Un nuage et j’étais à l’intérieur. J’allais et venais, je rencontrais des gens qui sortaient des brumes comme des tournants du chemin.

     

    Elle me dit bonjour dès qu’elle m’aperçut et me demanda si je me rappelais d’elle.

    Non, sa tête ne me disait rien. Ou plutôt si, mais je ne sais pas quoi. Peut être ressemblait-elle à quelqu’un d’autre que j’aurais connu et presque oublié.

     

    Nous sommes de la même famille, me dit-elle. Ta mère et ma mère étaient de la même famille. Peut être de sœurs, je ne sais plus très bien. Et toi et moi nous nous sommes rencontrés à cause de ça. Je t’ai tout appris à l’époque, car tu venais de loin et tu ne savais pas grand chose.

     

    Je ne savais pas plus aujourd’hui. J’ai certainement oublié. Ce n’est pas possible que quelque chose soit vrai pour elle, avec moi et que ce ne soit pas vrai pour moi. C’est certainement ma mémoire qui me fait des tours.

     

    J’ai t’ai pris par la main, m’a-t-elle encore dit, et je t’ai conduit par le petit couloir, derrière la cuisine et la pile d’eau où l’eau qui venait de loin, comme toi, coulait sans cesse, sans robinet, à même le tuyau qui venait de loin.

    Puis je t’ai montré comment était la vie, comment chantaient les oiseaux, comment on regardait le ciel qui était parfois bleu même en hiver. Une fois tu as eu peur et tu t’es sauvé. Tu avais toujours peur de ce que tu ne comprenais pas bien.

     

    Je crois que je n’ai pas changé. J’ai toujours un peu peur, mais un peu seulement, de ce que je ne connais pas encore, de ce que je n’ai pas appris. Peut être en a-t-il été ainsi, et tu m’as appris ce que je ne savais pas et que j’ai oublié depuis. Ou alors, j’ai vécu tellement loin qu’il me faudra beaucoup de temps pour aller chercher ces souvenirs et les réapprendre.

     

    Je ne sais pas quant tu es parti. Je ne sais pas pourquoi. Un jour, j’ai été te chercher dans le champ de blé où tu vivais et il n’y avait plus rien. Plus d’épis, de ces épis que tu aimais manger vertes avec un peu de sel et d’huile. Plus d’eau à la petite fontaine au bord de la route où tu me racontais des histoires  de là-bas au loin, d’où tu venais et que tu ne voulais pas oublier parce que tu ne les voyais plus.

     

    Je ne sais plus où était ce champ. Je sais que la route tournait un peu plus loin que la gare et que c’était devenu chez moi. Il n’était pas comme les souvenirs que j’avais d’avant, mais je ne savais plus aller dans mon avant. Ce champ m’a plu et je m’y suis installé.

    Alors, c’est toi qui es venue me chercher un jour, qui m’a pris par la main pour me montrer le chemin de l’autre coté ? Celui qui montait sur la petite colline où on n’avait pas le droit d’aller ?

    Je ne savais plus comment tu étais. Je me rappelle d’une robe ou d’un habit. Je me rappelle d’une course folle, rapide, quelque part. Mais je ne sais pas pourquoi. Puis je suis parti ailleurs.

    Un train, peut être, en hiver, juste après noël. Beaucoup de neige. Je ne l’aimais pas. Le train bloqué par la neige. Je suis resté longtemps dans ce train qui n’avait pas assez de force pour chasser la neige et qui devait attendre que l’on vienne le chercher.

     

    Moi aussi, on est venu me chercher et je suis parti par un sentier  avec d’autres fleurs, d’autres odeurs, d’autres bruits. Je ne sais pas si j’ai jamais rencontré quelqu’un. Parfois je crois que je n’ai jamais vu personne d’autre que moi-même, comme si je marchais dans un couloir fait de miroirs.

    Il y avait un comme ça dans la fête foraine qui s’installait tous les ans au mois d’août. Un long couloir où on se voyait tantôt maigre et grand, tantôt petit et gras. Laid toujours. J’allais vite, mais je ne sais pas si j’aurais su sortir. Quelqu’un m’a peut être aidé.

     

    Et aujourd’hui, que feras tu ?

     

    Je ne sais pas. J’en ai assez de ces couloirs à miroirs où chacun ne voit que lui-même tellement déformé qu’il ne sait plus s’imaginer tel qu’il est. Je crois que je vais parcourir encore le monde, visiter des pays que je ne connais pas, m’asseoir auprès des chênes, mes arbres préférés,  pour noter mes souvenirs que je ne lirais pas après. Et regarder voler les oiseaux, regarder jouer les enfants, énumérer les couleurs des pétales des fleurs, les regarder toutes et n’en cueillir aucune, les laisser vivre. Je crois que je vais inventer un nuage auquel j’inviterai tous ceux qui voudront venir faire un tour dans mon rêve, porté par les vents au hasard, sans rien demander à personne. Je vais sourire et chanter sous mon chêne imaginaire.

     

    © Jorcas

     

     


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    Elle a fait quelques embardées en sortant du tournant. Je suis pourtant certain d’avoir bien tenu le volant et je n’ai pas touché le bas coté, ni marché sur un quelconque obstacle.

    J’ai regardé mes pneus : intacts.

    Je l’avais déjà trouvé un peu difficile à conduire lors du dernier croisement. C’est vrai que j’ai hésité sur la direction à prendre, mais pas au point de déstabiliser le véhicule.

    J’ai fait plusieurs fois le tour de l’engin, tourné le volant à l’arrêt des deux cotés : rien de particulier.

    Je ne suis pas un as de la mécanique, mais depuis le temps, je devrais me rendre compte s’il y avait quelque chose d’anormal.

    C’est peut être un coup de vent. Ça arrive. Voilà l’explication la plus vraisemblable. Allez, on continue.

     

    Mon amie m’accompagnait pour la première fois dans cette région perdue de l’Espagne. Elle faisait le copilote chargée de trouver la meilleure voie malgré son espagnol limité, suffisant, toutefois, pour lire une carte. Elle admirait tellement le paysage qu’elle la regardait toujours un peu tard pour m’indiquer à temps les déviations à prendre. Et moi je n’étais pas revenu par là depuis des années. On n’avait pas construit de routes nouvelles, mais j’avais oublié les parcours que je suivais à l’époque où je travaillais dans la région.

     

    Il faudrait que tu fasses un peu plus d’attention à la carte, sinon, nous n’arriverons jamais à bon port.

     

    Je ne sais pas pourquoi tu t’inquiètes. Le concierge de l’hôtel t’a bien dit que toutes les routes par ici arrivaient au même endroit. Alors, on fera quelques kilomètres de plus ou de moins, mais on y arrivera. Et le paysage est tellement beau que cela n’a pas beaucoup d’importance.

    Les bouches de mine que nous venons de passer, par exemple, je suis sure qu’elles sont romaines. Je l’ai lu à l’hôtel hier soir. Tu aurais dû t’arrêter et nous aurions fait quelques belles photos.

     

    J’ai voulais m’arrêter. J’ai mis le pied sur le frein à fond, mais la voiture a continué. Comme si elle n’avait pas voulu m’obéir. Pourtant peu après, à la sortie du drôle de tournant, lorsqu’elle a fait ces têtes à queue inexplicables, j’ai freiné sans difficulté. Et un peu avant, au croissement, on aurait dit qu’elle voulait prendre le chemin à gauche, celui qui monte vers la colline. J’ai eu du mal à tenir le volant droit.

     

    Tu ne vas pas me faire croire que la voiture a sa propre idée sur la route à suivre.

     

    Non, bien sur que non. Je l’ai depuis tellement d’années que je la connais bien. Elle est un peu capricieuse, il faut surveiller l’eau de son radiateur. Elle aime l’huile fraiche. Mais elle ne m’a jamais contredit sur les routes à suivre. Lorsque je travaillais par ici je l’avais déjà et nous avons parcouru ensemble tous les chemins. Mais j’ai toujours tenu le volant, je te l’assure.

     

    J’ai tournée à la fourche suivante. Le panneau indicateur avait disparu, mais j’étais certain que c’était là. Ce qui était surprenant était cette ambiance brumeuse qui devenait de plus en plus épaisse. Du smog sur quelques centaines de mètres. Ensuite, un ciel bleu, un paysage clair. Des beaux arbres.

    Puis la voiture s’est arrêtée à nouveau.

     

    Encore ? Pourquoi t’arrêtes-tu ? Nous sommes au milieu de nulle part.

     

    Je ne me suis pas arrêté, c’est elle toute seule.

     

    J’essaie de remettre en route, rien n’y fait. A nouveau, tour de l’engin, ouverture du capot, toute la panoplie du conducteur en panne qui fait semblant d’être capable de comprendre ce qui lui arrive. Pas de fumée. Il reste de l’essence. Elle ne chauffe pas, mais ne redémarre pas.

     

    Ma chérie, il va falloir continuer à pied. J’espère qu’il y a un village ou du moins une ferme pas loin.

     

    Nous n’avons pas mis longtemps à arriver à l’entrée d’un petit village et par chance, la première maison était un garage. Elle avait une enseigne de garage, bien que toute fleurie et n’ayant pas la moindre trace de pots d’huile, de pneus en attente de réparation, de grue.

    Un garagiste souriant, en bleu impeccable se balançait sur une chaise à bascule devant la porte, façon western.

     

    Bonjour. Heureux de vous trouver ! Nous avons un problème avec notre voiture. Elle s’est arrêté pas trop loin d’ici et impossible de la remettre en route. Vous avez de quoi remorquer ?

     

    Bonjour. Oui, je sais. J’ai vu que vous tombiez en panne. Pas besoin de grue, je vais aller voir votre voiture. Elle n’est pas aussi près que vous le pensez, mais dans notre pays tout est relatif. Tout s’adapte au besoin des habitants. Comme vous étiez en panne, la distance s’est automatiquement réduite pour que vous n’ayez pas trop à marcher sous le soleil.

     

    Mon amie et moi arborions le sourire idiot des gens qui se demandent si on se moque d’eux.

     

    Vous ne vous êtes pas rendu compte de votre entrée dans notre Comté Joyeux et Relatif ? Vous avez bien vu la porte de smog ? Dès que vous l’avez traversé, vous êtes chez nous. Je vous ai vu sur la route, là bas et j’ai vu votre voiture s’arrêter et la distance se raccourcir. Mais je vais vous arranger ça. Ce n’est certainement qu’un coup de mélancolie de votre voiture.

     

    Nous étions de moins en moins souriants mais avec l’air de plus en plus idiot et inquiets. Chez qui étions nous tombés ? Qu’est-ce que c’était ces histoires de Comté Relatif ?

    Le garagiste essaya de nous rassurer.

     

    Vous avez un très bon restaurant un peu plus loin, dans la rue principale. Vous pouvez attendre là-bas que je revienne avec votre voiture et juste avant vous avez le syndicat d’initiative. Vous y trouverez la carte de notre Comté avec les plus belles curiosités à visiter et la réponse à toutes les questions que vous êtes en train de vous poser sur ce que je viens de vous dire. Allez-y, je ne serais pas long.

     

    Le syndicat d’initiative nous a offert une carte très détaillée et un petit livre sur le Comté Joyeux et Relatif. Sa fondation par les romains qui exploitaient un peu plus loin les mines de Cinabre

    Des conditions magnétiques particulières, une sorte de microclimat magnétique était la cause de la relativité du temps et de l’espace du Comté. Einstein n’était jamais passé par là, mais il y aurait été heureux.

    L’atmosphère est sensible aux pensées des habitants et les distances s’adaptent pour diminuer la fatigue. Le temps aussi va plus ou moins vite en fonction de l’urgence des faits. C’est simple, une fois que l’on sait.

     

    Le garagiste est arrivé peu après avec notre voiture, qui roulait comme un carrosse royal anglais. Je n’en croyais pas mes yeux.

     

    Comment avez-vous fait ?

     

    Rien de bien malin. Je l’ai consolée, je lui ai expliqué les avantages d’être chez nous et elle a accepté de venir vous rejoindre. Elle restera dormir chez moi. Il y en a d’autres. Et vous pouvez dormir ici. Il fait aussi hôtel et il n’est pas cher.

     

    Et pour la voiture, je vous dois combien ?

     

    Rien. Je fais aussi partie du relatif de notre Comté et j’ai vu que vous n’êtes pas bien riches. Et je n’ai pas fait grand chose. Juste quelques mots bien placés. Je suis très bon avec les vieilles voitures.

    Le lendemain, mon amie s’est levée à l’aube. Elle avait l’intention de tout voir, de tout connaître. Et avec ce temps qui s’allongeait et l’espace qui rétrécissait selon les besoins, elle n’avait pas de problèmes avec son programme chargé.

     

    Moi j’ai pris la voiture pour aller faire un tour. La route avançait devant moi prolongeant le paysage. Comme si elle me fuyait.

    J’ai vu au loin une bouche de feu avec la lave bouillante, d’un rouge violent. On aurait dit Timanfaya, aux Canaries. Pourtant, nous n’avions pas traversé la mer.

    A la hauteur de la bouche, la fumée s’étendait sur la route et sur le paysage. J’ai accéléré. Et je me suis retrouvé à coté d’une de ces bouches de mine romaines.

    J’ai fait demi tour pour aller chercher mon amie, mais impossible de retrouver la route. La bouche de feu qui me servait de référence n’était plus visible.

     

    Désespéré, je me suis arrêté sur le bord du chemin pour reprendre mes esprits. J’ai fermé les yeux quelques minutes pour réfléchir tranquillement. Mais pour réfléchir à quoi ?

    J’ai ouvert les yeux et, nouvelle surprise, j’étais bien assis au volant de ma voiture, mais à l’intérieur de mon garage. Et seul.

    J’aurai pu tout oublier, comme on fait des cauchemars  ou des rêves insensés.

    Mais sur le siège passager, j’ai trouvé une photo de mon amie quelques années auparavant, belle et souriante comme toujours et un Sesterce Orichalque romain très ancien posé sur la photo.

    Depuis, je passe tous mes jours libres à parcourir les routes et les chemins du coin à sa recherche. J’ai peur, cependant que, sans que je ne m’aperçoive, mon temps devienne lent et sa distance s’allonge. C’est certainement pour ça que je ne la trouve pas.

     

    ©Jorcas

     

     


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    Le petit roi était caché derrière les rideaux. Il avait perdu sa couronne un matin où il s’était endormi à l’heure d’aller au Palais. Alors d’autres sont allés à sa place et lorsqu’il est enfin arrivé il a trouvé la porte close.

    Au début, il n’a pas pris ça mal. Il n’avait plus de Palais, mais il avait un pays, un grand pays. Du moins bien plus grand que le jardin du palais, qui était le seul qu’il avait parcouru. Et de fond en comble !

    Il a donc cherché des routes visiter le pays et saluer les habitants, qui le verraient passer depuis le seuil de leurs portes. Où depuis leurs fenêtres et leurs balcons.

    Il s’est rappelé, d’un coup, que lors de la discussion du dernier budget, lorsqu’il avait encore un palais, il avait été obligé d’effacer la dépense de signaux routiers parce qu’il n’y avait plus d’argent pour les acheter.

    Et bien, il irait à travers champs ! C’est agréable de côtoyer des arbres, de caresser leurs feuilles, de sentir les arômes des fleurs qui poussent au milieu des prairies. Mais il a trouvé les champs clôturés avec des fils barbelés. Il ne savait pas si c’était pour que les animaux ne s’échappent pas ou pour que les rois sans couronne ne traversent pas.

    Suivant les barbelés il est arrivé à la porte d’une maison. Pas laide du tout, peinte aux couleurs vives, avec des rideaux aux fenêtres et une cheminait qui fumait et sentait bon le bois qui brulait. La porte était ouverte, alors il est entré et s’est annoncé : Bonjour, je suis le roi !

    Personne n’a répondu. Les habitants étaient peut être aux champs ou partis à la pêche, car la mer n’était pas bien loin. Il s’est étendu sûr un divan couvert d’un linge bleu clair et il s’y est endormi.

    C’est le bruit d’une charrette qui l’a réveillé. Il s’est levé et est allé à la fenêtre pour voir d’où elle venait.

    C’était une grande charrette tirée par des chevaux et dans le plateau, attaché à un des barreaux il y avait lui, le roi. Il aurait voulu crier, protester, exiger qu’on le libère, mais il ne trouvait pas sa voix. Alors il est resté caché derrière les rideaux, voyant passer et repasser la charrette avec lui, le roi, attaché à un des barreaux.

    Lorsqu’il a fait nuit, il est sorti de la maison et suivant les traces des roues il a marché jusqu’au matin. A sa grande surprise, lorsque le soleil s’est levé il était à la porte de son palais, celui qu’il n’aurait jamais dû quitter.

    Accroché à la grande porte, toujours fermée, une grande pancarte annonçait : Palais à louer. Couronne et vêtements royaux fournis.

    Alors il a fait demi-tour et s’est mis à suivre en sens contraire les traces de la charrette. On n’a plus jamais entendu parler de lui.

    Tout le monde pense que cette histoire n’a pas de queue ni de tête et que ce petit roi dormeur n’a jamais existé. Sauf le paysan qui habite la maison aux couleurs vives, qui raconte l’histoire à tout le monde et affirme que le petit roi dormeur était son aïeul et que lui-même, bientôt, deviendra le nouveau roi. Dès qu’il aura fini de recoudre les habits que portait son grand père lorsqu’il s’est réfugié dans sa maison.

    © Jorcas

     

     


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    Ce matin j’ai eu la visite de mon ange gardien. Il était courroucé, furieux, rouge de colère jusqu’aux ailes !

     

    -Je m’absente quelques jours et tu profites pour te relâcher, pour laisser ton esprit baguenauder sans but, butiner ici ou là des fleurs inconnues ! Et ton travail ?

     

    J’étais tout penaud. Il avait raison, d’ailleurs un ange gardien a toujours raison, c’est même sa raison d’être. Autrement, va savoir à quels extrêmes arriveraient les hommes mal conseillés. Autant faire confiance à son banquier !

    Mais c’était plus fort que moi. Depuis mon enfance, j’ai toujours rêvé d’être un artiste. Pas une bête de télé ni un chanteur à succès et lubies, mais sculpteur ou peintre, ça me faisait toujours saliver !

    Alors, en vacances de gardien, je me suis inscrit dans un stage de peinture et je me suis de suite lancé dans la grande aventure.

    Et je me suis cassé les dents.

    Je voyais ça comme un médicament miracle : on prend quelques cuillérées de sirop et c’est bon, on fonce. Et bien sûr, le mur est d’autant plus gros qu’on refuse de le voir.

    Bref, mon échec éclair comme peintre m’a mis à plat et pendant ce passage à vide je n’ai rien écrit, pas d’article envoyé au journal, pas de chapitre nouveau pour le livre chef d’œuvre sur lequel je piétine depuis des années, bref, la cata !

     

    L’ange gardien m’a sermonné pendant un bon moment. C’est son truc, il n’a rien d’autre à faire, alors, le temps qui passe ne passe pas par lui. Mais moi, je commençais à sentir mon sang virer du rose pâle au rouge vif. Ses ailes, j’avais envie de les lui faire manger, s’il continuait à me parler de mes devoirs, de la mort par faim de ma famille, que je négligeais, de la mort dans l’âme de mes personnages et de mes lecteurs, abandonnés par leur auteur.

    J’ai ouvert la fenêtre et, sans faire attention à lui, j’ai sauté dans le vide. Mais mon ange gardien était tellement sidéré par mon départ impromptu alors qu’il n’avait pas terminé son sermon qu’il a mis un temps précieux à réagir. Et je me suis enfoncé de quelques centimètres dans le trottoir, huit étages plus bas. Fini l’artiste.

     

    Le fou-rire m’a pris peu après, m’envolant vers le bureau du ciel, réception des trépassés, lorsque j’ai vu mon ange ex-gardien volant à coté de moi, répétant sans cesse : qu’est ce que je vais prendre, mais qu’est ce que je vais prendre !

    Et après qu’il eut pris on s’est trouvé tous les deux, côte à côte, enchainés ensemble, en train de casser des cailloux dans la carrière « Le Purgatoire » avec un tas pouvant durer quelques milliers d’années pour expier nos péchés. Véniels, tout de même, pas comme si on avait fait la cour à la femme du voisin, mais péchés tout de même.

    Tout ça par ma grande faute !

     

    © Jorcas

     

     

     

     


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