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Délirium
Tu n’avais pas imaginé
Qu’un matin
Quelque part au delà de l’horizon
Un magouilleur à barbe et haut de forme dirait:
Il faut les ramasser !
Il faut les enterrer
Y mettre un signe fort
Pour la reconnaissance
Des enfants de nos enfants
Il faut scruter les arbres
Soupeser la couleur
Lorgner les chants des oiseaux
Creuser l’air des matins gris
Pour ne pas être surpris
Le moment venu
Car le moment venu ne se répète pas
Il ne prévient pas
De son arrivée ni de sa fuite
Il s’arrête à peine un instant
Comme le train invisible en gare du Pleur perdu
Puis il s’en retourne silencieusement
Ni vu ni connu
Ni attendu sous les marques de fumée
Des anciennes cheminées
Peuplées d’escarbilles refroidies
Par le souffle de légions de mouches
Battant des ailes
Au rythme effréné des musiques militaires
Sonnant la retraite
Devant l’ennemi présumé
Foin donc des feuilles mortes
Et des pelles
Foin des jours coulés en bordure de mer
Aux cris encourageants des mouettes
Affamées
Foin surtout des pensées méridiennes
A midi tapantes
Ou peu après
Portes ouvertes à deux battants
Pour ces êtres charmants
Et ignares
Qui de leurs voix les plus criardes
Nous préviennent
Des dangers du lendemain
Nous portent dans leurs cœurs
Quelque peu rabougris
Mais faute de grives
Ne faisons pas les merles
Ecoutons courtoisement
Sourions poliment
Dansons quelques instants
Au son de leurs rengaines
Ouvrons la porte de derrière
Et au premier instant blanc
Esquivons-nous gaiement
Nez en l’air, mains dans les poches,
Regard perdu dans l’au-delà le plus abscons
Jusqu’au bois touffu
Qui fait peur aux nigauds
Aux sorcières pâlottes
Et aux mirliflores
Car la vie est trop vive
Trop brouillante, trop sincère
Et vive les feuilles mortes
Qui nous servent d’édredon !
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