Un moment clair à travers le rideau de pluie

Grise

Enveloppant la plaine, les vignes, l’ombre des villages

Regard

D’un rêveur, d’un passager du vent

Embusqué

Au pied de la montagne accrochée aux dernières lueurs

Vider les ongles

Des mots incarnés

Aux moments de silence

Des tâches solaires

Des écarts amoureux

De la lune

N’importe quoi

Pour tracer quelques lignes

Pour jouer

A l’enfant écrivant

Pour la première fois

Le nom des couleurs

Le nom des copains

Faire semblant de vivre

Par un paquet de lettres

Jeté en semeur

Sur la feuille ou l’écran

Peu importe 

Je me dis à moi-même :

Tu es encore en vie,

Tu as encore au moins un petit bout

De ton ancienne tête,

Tu es encore là !

Liberté

Mot tabassé

Mis à la pointe

D’une pique

Mot planqué

Avec la liste des combattants

Au bout du jardin

Mot piétiné

Par les oiseaux noirs

Aux yeux métalliques

Et au ventre creux

Mot enfant

Fragile

Mot aurore

Mot vent

Nuage à l’horizon

Mot soupir

Cri de paix

Mot à chanter

Du soir au matin

Et du matin au cachot

Mot creuset

Chauffé aux larmes

Mot renaissance

Sous tous les cieux

Par tous les temps

Encore

Doucement, sans peur

Liberté !

Et encore

Liberté !

Et encore

LIBERTÉ !

Regard qui se pose

Sans choix, sans mépris, sans miséricorde

Sur les êtres silencieux

Simples passants

Dans l’étendue aux couleurs dégriffés

De la ville sans âme

Alanguie dans sa grandeur factice

Ancêtres de mauvaise souche

Revenus manger les fleurs

Faudra-t-il les confiner ?

Leur porter deux fois par jour

La soupe claire

Qu’ils offrent aux ignorants, aux boiteux ?

Et dehors, à l’air libre

Faire la ronde

Serrer les corps et les mains

De ceux qui ne demandent

Qu’à vivre

A l’ombre fraiche de leur maigre corps