• La Statue 3/ 10


    Lorsqu'il reprit la route le lendemain, il faisait encore nuit. Le soleil n'allait pas tarder à se montrer et il voulait passer inaperçu, arriver dans le Méandre avant que les premiers rayons de lumière ne touchent le granit

    Il s'est assis à quelques pas derrière la statue pour pouvoir la détailler minutieusement

    C'était surtout le cou dévoilé par le chignon relevé qui l'attirait. Il apprenait par cœur la courbure des épaules, les bras, croisés devant la taille, dans la même position que la jeune femme du tableau de Dali, appuyée sur le rebord d'une fenêtre imaginaire. Puis son corps, plus svelte, plus séduisant

    Combien de fois a-t-il fait des yeux le même parcours?.  L'image de la statue l'habitait comme une estampe gravée en lui depuis toujours.

    Il s'est levé et approché d'elle en voyant que les rayons de lumière, glissant sur son dos, changeaient son apparence. On aurait dit un tissu qui descendait le long de son corps. La lumière, en l'éclairant, la déshabillait, faisait disparaître l'ombre-toile qui la couvrait pour la nuit pour brûler sa peau, chauffant la pierre, l'inondant de force, de vie.

    Ce jour là il n'a pas osé la toucher. Il était assez près pour sentir sa réverbération. Il croyait en percevoir l'odeur, tant sa fantaisie débordait, attisée par la vue de cette statue en lumière. Mais il restait à quelques centimètres, sans bouger, presque sans respirer, ses yeux allant d'un point à l'autre du granit, relevant quelques impuretés qui, tels des grains de beauté faisaient ressortir la finesse de l'ensemble.

    Comme la veille, des vieux vers lui revenaient en tête:

    « Vivre l'instant sans souvenir,

     Vivre l'instant sans lendemain,

    Brûler chaque seconde le sang qui flue »

    Il les comprenait peut être mieux que lorsqu'il les avait écrit. Il les vivait, tellement l'instant présent était empli par la vue et la pensée de cette statue, hors de toute réalité différente, sans préalable et sans intention d'aucune sorte. Il était vivant en ces pensées, en ce regard, tout entier accaparé par le granit.

    La lumière, encore elle, le ramenait à un monde en mouvement En se couchant, le soleil revêtait à nouveau la statue d'une toile sombre, le granit laissait échapper les derniers bouffées de la chaleur reçue, la brise de mer faisait tourner les herbes qui semblaient lui indiquer la route à prendre.

    Il est retourné au village et, peut-être pour la première fois, Il s'est demandé quel était son vrai nom.

    Il a passé une nuit terriblement agitée. Pas par manque de sommeil, mais des rêves incessants lui ont fait vivre intensément ces quelques heures qui le séparaient de la journée prochaine. Dans son rêve, il a refait cent fois la route qui mène au Méandre, cent fois ses yeux ont détaillé la statue, suivi son contour. Ses mains saisissant la chaleur qui se dégageait de la pierre chauffée par le soleil.

    A quoi bon rêver ce qui peut être vécu?

    Il s'est levé très tôt et partit presque en courant vers le Méandre. Peur, peut-être que quelqu'un puisse découvrir à son tour cette statue, dont il pensait être seul à saisir toute la beauté. Bien sûr, elle ne lui appartenait pas. Il avait des notions bien trop précises, bien trop ancrées sur le respect des autres pour avoir une quelconque idée de propriété, d'appropriation. Mais l'image qu'il s'en faisait , cette beauté qu'il lui découvrait étaient à lui seul et elles le rendaient, en cet instant, parfaitement heureux.

    Il est entré dans le Méandre avec la prudence de celui qui ne veut pas réveiller un dormeur, regardant tout autour pour s'assurer qu'il était seul, qu'il n'y avait pas de traces de pas ayant pris la place des siennes, qu'un autre regard ne s'était pas substitué au sien.


    Lorsqu'il reprit la route le lendemain, il faisait encore nuit. Le soleil n'allait pas tarder à se montrer et il voulait passer inaperçu, arriver dans le Méandre avant que les premiers rayons de lumière ne touchent le granit

    Il s'est assis à quelques pas derrière la statue pour pouvoir la détailler minutieusement

    C'était surtout le cou dévoilé par le chignon relevé qui l'attirait. Il apprenait par cœur la courbure des épaules, les bras, croisés devant la taille, dans la même position que la jeune femme du tableau de Dali, appuyée sur le rebord d'une fenêtre imaginaire. Puis son corps, plus svelte, plus séduisant


    Combien de fois a-t-il fait des yeux le même parcours?.  L'image de la statue l'habitait comme une estampe gravée en lui depuis toujours.

    Il s'est levé et approché d'elle en voyant que les rayons de lumière, glissant sur son dos, changeaient son apparence. On aurait dit un tissu qui descendait le long de son corps. La lumière, en éclairant la pierre, la déshabillait, faisait disparaître l'ombre-toile qui la couvrait pour la nuit pour brûler sa peau, chauffant la pierre, l'inondant de force, de vie.

    Ce jour là il n'a pas osé la toucher. Il était assez près pour sentir la réverbération de la pierre. Il croyait en percevoir l'odeur, tant sa fantaisie débordait, attisée par la vue de cette statue en lumière. Mais il restait à quelques centimètres, sans bouger, presque sans respirer, ses yeux allant d'un point à l'autre du granit, relevant quelques impuretés de la pierre qui, comme des grains de beauté faisaient ressortir la finesse de l'ensemble.

    Comme la veille, des vieux vers lui revenaient en tête:


    « Vivre l'instant sans souvenir,

     Vivre l'instant sans lendemain,

    Brûler chaque seconde le sang qui flue »


    Il les comprenait peut être mieux que lorsqu'il les avait écrit. Il les vivait, tellement l'instant présent était empli par la vue et la pensée de cette statue, hors de toute réalité différente, sans préalable et sans intention d'aucune sorte. Il était vivant en ces pensées, en ce regard, tout entier accaparé par le granit.

    La lumière, encore elle, le ramenait à un monde en mouvement En se couchant, le soleil revêtait à nouveau la statue d'une toile sombre, le granit laissait échapper les derniers bouffées de la chaleur reçue, la brise de mer faisait tourner les herbes qui semblaient lui indiquer la route à prendre.

    Il est retourné au village et, peut-être pour la première fois, Il s'est demandé quel était son vrai nom.


    Il a passé une nuit terriblement agitée. Pas par manque de sommeil, mais des rêves incessants lui ont fait vivre intensément ces quelques heures qui le séparaient de la journée prochaine. Dans son rêve, il a refait cent fois la route qui mène au Méandre, cent fois ses yeux ont détaillé la statue, suivi son contour. Ses mains saisissant la chaleur qui se dégageait de la pierre chauffée par le soleil.


    A quoi bon rêver ce qui peut être vécu?

    Il s'est levé très tôt et partit presque en courant vers le Méandre. Peur, peut-être que quelqu'un puisse découvrir à son tour cette statue, dont il pensait être seul à saisir toute la beauté. Bien sûr, elle ne lui appartenait pas. Il avait des notions bien trop précises, bien trop ancrées sur le respect des autres pour avoir une quelconque idée de propriété, d'appropriation. Mais l'image qu'il s'en faisait , cette beauté qu'il lui découvrait étaient à lui seul et elles le rendaient, en cet instant, parfaitement heureux.


    Il est entré dans le Méandre avec la prudence de celui qui ne veut pas réveiller un dormeur, regardant tout autour pour s'assurer qu'il était seul, qu'il n'y avait pas de traces de pas ayant pris la place des siennes, qu'un autre regard ne s'était pas substitué au sien.


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    © Jorcas



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