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La Statue 7/ 10
Je suis surprise de vous entendre parler. Par certaines de vos phrases, par certaines de vos attitudes, vous semblez un homme en crise. Vous faites penser à cette grande fatigue qui suit un effondrement.
Et ne pas parler de ce qui réellement vous touche, de ce qui réellement vous affecte, ne pas vous livrer vous laisse immergé dans votre difficulté.
Vous vivez dans une maison où les portes et les fenêtres sont closes; l'air de l'extérieur n'y pénètre pas. Alors, vous ne trouvez pas de solution, de réponse à vos questions, vous tournez en rond dans votre argumentation critique. Vous livrer n'est pas accroître l'angoisse, mais sortir à l'air libre, respirer à plein poumons même si au début cela fait mal, regarder le soleil, les fleurs, les oiseaux, tout ce qui est vivant. Vous livrer est renouer le contact avec le monde réel.
Il aime la mer. Pour lui sa vue, son odeur, son bruit sont le rappel au monde dont Elle lui parle. Il est venu près d'elle reprendre des forces après une accumulation de moments difficiles. Il a besoin de se défaire d'une grande fatigue physique et d'un moral en détresse.
Par sa nature, il reste debout face aux crises, mais la mise en cause est profonde. De telles situations obligent à revoir toute votre structure de pensée et de sentiments.
Vos sentiments sont affectés en ce qu'ils ont de plus pur, de plus ingénu. Votre amour propre est touché en ce que l'idée que vous vous faites de vous-même et les idées en fonction desquelles vous agissez, vous réglez vos relations avec les autres, sont mises en cause.
Quel que soit leur apparence, les états de crise ont toujours le même développement. Découvrir que sa place dans un concert de choses, de liens, se délite, a disparu réellement, parfois sans que les autres personnes concernés en aient eu conscience. D'être ainsi resté en chemin, comme par inadvertance, sans même le savoir, sans que l'on s'en aperçoive, cela touche la boue au fond de son histoire et, sans qu'il puisse y remédier, l'abat profondément, l'ampute d'une part de lui-même.
Cela atteint le point faible, son talon d'Achille. Si ce fond noir de son âme est ravivé, quelque chose en lui meurt dans l'aventure, irréversiblement, définitivement. Souvenir encore de quelques vers écrits un jour comme un appel :
« Peur de partir sans être vu,
Peur de partir sans être aimé.
Peur de n'avoir été
Un instant retenu
Un instant regretté »
Ils sont restés en silence longtemps, l'un près de l'autre, sur le Méandre. Ses paroles résonnaient en même temps dans leurs têtes.
Pour Elle c'était peut-être une découverte. Pour lui, comme les souvenirs souvent évoqués, un exorcisme, aussi peu efficace que les précédents concernant cet aspect de sa personnalité.
Ils sont sortis du Méandre lentement, puis tout aussi lentement, ont parcouru la plage sous le soleil à son moment le plus fort. Leurs pas les ont peu à peu conduits jusqu'à la fourche. Elle s'est arrêtée et il a hésité un instant, avant de partir, à ses cotés, sur la route qui conduit à Sources.
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© Jorcas
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