• Ma Grande Faute

     

    Ce matin j’ai eu la visite de mon ange gardien. Il était courroucé, furieux, rouge de colère jusqu’aux ailes !

     

    -Je m’absente quelques jours et tu profites pour te relâcher, pour laisser ton esprit baguenauder sans but, butiner ici ou là des fleurs inconnues ! Et ton travail ?

     

    J’étais tout penaud. Il avait raison, d’ailleurs un ange gardien a toujours raison, c’est même sa raison d’être. Autrement, va savoir à quels extrêmes arriveraient les hommes mal conseillés. Autant faire confiance à son banquier !

    Mais c’était plus fort que moi. Depuis mon enfance, j’ai toujours rêvé d’être un artiste. Pas une bête de télé ni un chanteur à succès et lubies, mais sculpteur ou peintre, ça me faisait toujours saliver !

    Alors, en vacances de gardien, je me suis inscrit dans un stage de peinture et je me suis de suite lancé dans la grande aventure.

    Et je me suis cassé les dents.

    Je voyais ça comme un médicament miracle : on prend quelques cuillérées de sirop et c’est bon, on fonce. Et bien sûr, le mur est d’autant plus gros qu’on refuse de le voir.

    Bref, mon échec éclair comme peintre m’a mis à plat et pendant ce passage à vide je n’ai rien écrit, pas d’article envoyé au journal, pas de chapitre nouveau pour le livre chef d’œuvre sur lequel je piétine depuis des années, bref, la cata !

     

    L’ange gardien m’a sermonné pendant un bon moment. C’est son truc, il n’a rien d’autre à faire, alors, le temps qui passe ne passe pas par lui. Mais moi, je commençais à sentir mon sang virer du rose pâle au rouge vif. Ses ailes, j’avais envie de les lui faire manger, s’il continuait à me parler de mes devoirs, de la mort par faim de ma famille, que je négligeais, de la mort dans l’âme de mes personnages et de mes lecteurs, abandonnés par leur auteur.

    J’ai ouvert la fenêtre et, sans faire attention à lui, j’ai sauté dans le vide. Mais mon ange gardien était tellement sidéré par mon départ impromptu alors qu’il n’avait pas terminé son sermon qu’il a mis un temps précieux à réagir. Et je me suis enfoncé de quelques centimètres dans le trottoir, huit étages plus bas. Fini l’artiste.

     

    Le fou-rire m’a pris peu après, m’envolant vers le bureau du ciel, réception des trépassés, lorsque j’ai vu mon ange ex-gardien volant à coté de moi, répétant sans cesse : qu’est ce que je vais prendre, mais qu’est ce que je vais prendre !

    Et après qu’il eut pris on s’est trouvé tous les deux, côte à côte, enchainés ensemble, en train de casser des cailloux dans la carrière « Le Purgatoire » avec un tas pouvant durer quelques milliers d’années pour expier nos péchés. Véniels, tout de même, pas comme si on avait fait la cour à la femme du voisin, mais péchés tout de même.

    Tout ça par ma grande faute !

     

    © Jorcas

     

     

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :