• Périple

     

    Je n’ai pas eu la chance/la malchance

    D’une couronne d’épines

    Et ma croix est trop légère à porter

    Je n’ai pas non plus souffert de martyre

    Pas de mort sanguinolente assurée

    Si ce n’est à petit feu, comme tout un chacun

    Une mort si certaine qu’elle ne compte pas

    Pour grand-chose dans nos vies

    Que nous menons d’un pied enquillé dans le rail

    Prétendant l’avoir choisi

    -Faut pas avoir l’air trop attardé-

    Et le faisons même briller en le frottant de l’autre pied

    Comme le chandelier de faux argent hérité de la grand-mère

    Qui a bien essayé de nous mettre en garde

    De nous donner sa boussole

    Rouillée à force de coller à un nord désaimanté

    A ce stade, j’ai reçu comme une flèche cette forte diatribe :

    « L’homme qui se regarde dans cette glace est un con

    Perdu parmi d’autres, incapable de ce fait

    D’avoir une pensée

    Libre

    De lui-même ou de son ombre chancelante

    Qui le poursuit et parfois le devance

    Lorsqu’il montre au soleil son petit cul

    Croyant de tout son corps effacer la mensongère clarté »

    Et à nouveau la voix sereine de la grand-mère

    Mon petit, on ne se refait pas

    Ou alors on s’en prend autrement

    Mais dans ton cas…

    Le silence environnant mit point final

    À l’appel de l’au-delà

    J’ai repris donc mes pieds dans mes mains

    Bifurqué par la première latérale qui se s’offrit à ma perspicacité

    Car celle-là ou une autre

    Peu importe

    Lorsqu’on sait que ce n’est pas tout de suite

    Qu’il fera nuit, qu’il fera frais, qu’il fera vraie

    Comme un éclair

    Que les fameuses langues ne descendront pas sur nos têtes

    Pour rendre nos mots intelligibles

    Comme si c’était possible

    De détourner le déroulement

    De ce foutu destin

    Qui nous happe dans une sombre porte cochère

    Que personne n’avait soupçonné

    Que personne n’avait dénoncé

    Avec l’espoir de trouver l’âme sœur

    Ou, au pire, le con frère

    Qui se jetterait dans la gueule du loup

    Car à tout prendre

    Elle vaut bien l’autre versant

    Dit civilisé

    Du destin de petit malin

    Dont je ne veux à aucun prix

    Et me voilà revenu au début de l’aventure

    Commencée avec mon mensonge habituel :

    Je n’ai pas eu la chance/la malchance

    De porter une vraie et lourde croix

    Et me voici effacé d’entre vous, égaré pour de bon

    Orphelin !

     


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