• Poséidon

     

    Pas évident du tout de faire comprendre que je n’en étais pas responsable de ce qui arrivait. Comment aurais-je pu faire prendre aux éléments une telle tournure, rien qu’avec mes paroles? Pourtant, mon nom était partout, dans les commentaires des médias, sur les murs. Les gens me regardaient avec crainte lorsqu’on me croissait dans la rue.

    J’ai téléphoné au bureau pour m’inventer un malaise qui n’était pas constaté par un médecin. Non je n’avais pas eu le temps encore, je le ferais venir dès que possible et enverrais par la poste les papiers qu’il établirait. Oui, je suis au courant de ce qui se dit, mais c’est faux, je n’y suis pour rien. Oui, j’ai l’intention de reprendre mon travail normalement dès que je serais guéri. Oui, je vous préviendrais.

     

    Le jour J, la radio annonçait en continu le nombre de kilomètres de bouchon créé par les voitures qui sortaient de la ville en toutes directions dès l’aube. Les trains dans les gares, le métro, les tramways étaient vides et d’ailleurs à l’arrêt, faute de conducteurs. La radio continuait à émettre car le studio était un peu en dehors de la ville et il s’était trouvé quelques reporters, les plus jeunes, qui avaient accepté de défier les craintes et parcouraient en moto la ville pour donner des nouvelles de l’état des choses.

     

    Lorsque le soleil s’est couché, les bruits habituels s’entendaient de plus en plus marqués. Tout le monde revenait, la plupart heureux, d’autres, ceux qui s’étaient posté dans les hauteurs des collines environnantes pour pouvoir tout voir, déçus, mécontents de cette fatigue pour rien. La petite rivière qui serpentait au fond de la vallée suivait son cours habituel, aussi légère en eau que d’habitude.

     

    La prophétie  du conte que j’avais publié, dans lequel j’annonçais que la mer, ce jour là, remonterait la rivière brutalement  et inonderait au moins les quartiers bas de la ville, peut être plus, ne s’était pas réalisée. C’était, disais-je dans l’histoire, une vengeance de Neptune à la suite de l’extension du port qui avait enlevé à la mer une bonne petite surface pour  abriter les bateaux de plaisance. Avec un humour de la même veine j’avais signé « Luciférus, fils de Neptune »

    J’avais négligé le fait qu’à cette époque de l’année les médias ont peu de choses à dire et montent en mousse le peu qui leur tombe sous la dent pour remplir les pages et combler les minutes de transmission. En quelques semaines mon histoire était citée partout, des extraits étaient publiés et commentés sans me prévenir  jusqu’à en faire le sujet le plus martelé par les uns et les autres.

    Des experts se succédaient pour donner leur avis compétent sur la possibilité de voir se réaliser le phénomène et peu à peu seuls ceux qui affirmaient  la chose tout à fait plausible avaient la parole.

    Oui, la mer allait au jour dit inonder la ville et pas mal la détruire par la mauvaise manière faite par ce Luciférus  fils de Neptune, qui aurait dû être chassé de notre douce vallée depuis bien longtemps !

     

    Lorsque j’ai voulu reprendre le travail on m’a fait savoir qu’il n’était pas question que je remette les pieds dans le bureau. La justice m’a convoqué pour répondre de troubles à l’ordre public. Mes voisins ont tous attrapé un torticolis à force de tordre leur cou lorsqu’ils me voyaient même de loin.

     

    J’ai dû m’exiler  dans ce petit village du pays voisin où les pêcheurs ont une petite effigie d’un Neptune souriant  avec une barbe en forme de vagues de mer. Par prudence, j’ai changé de nom. Maintenant je signe mes histoires  « Poséidon »  C’est moins connu.

    © Jorcas

     

     


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