• Sous l’arbre rouge

    Les branches silencieuses

    Dansent

    À l’unisson des pas furtifs

    Des amants apeurés

    Plus loin, beaucoup plus loin

    Un œil lunaire

    Bat ses longs cils

    Baignés de larmes

    De joie

    Car il sait, il sait depuis sa lointaine jeuneuse

    Que la peur ne dure pas

    Qu’elle s’envole

    En un court instant

    De tendresse.

    Ailleurs

    Dans les bois sombres

    Que la Lune ne pénètre pas

    Meurent de tristesse

    Les feuilles tombées sans espoir de leur nid

    Derrière les rideaux épais

    De ma fenêtre

    Je vois revenir la tête basse

    Les porteurs de pas perdus

    Craintifs du mystère de la forêt

    Arbre rouge, ami,

    Compteur de mes regards

    Porte mon message

    Soigne mon espoir

    Jusqu’au matin

     


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  • Mots suspendus

    Mensonges du matin

    Presser le pas

    Sans ouvrir les yeux

    Encore. Plus tard

    Découvrir

    Le goût étrange

    D’une goutte

    De rosée miroitant

    Au fond ensoleillé

    De ton jardin

     

     


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  •  

    Gribouiller, moi ?

    Certainement pas !

    Je me dandine

    Je tourbillonne

    Je fais à la fois

    La souris et le chat

    L’oiseau qui pirouette

    Dans l’eau de la fontaine

    Je ne fais pas

    Le maître d’école

    Le rhéteur

    Le chien savant

    Juste des borborygmes

    Boursouflant

    La pointe de mes doigts

     


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  •  

    Que fais-tu seul dans la nuit

    Caressant de ton pouce les cordes de ta guitare ?

    Tu cherches ce qui vrombit dans ta tête

    Quelque chose d’incompris, d’insaisissable

    Tu ne penses à rien de concret

    Et tu grattes les cordes de ton pouce

    Rran, rran, rran, six fois rran

    Mécaniquement

    Sans évoquer une chanson d’enfance

    Rien

    Même en le faisant savant :

    Mi, si, sol, ré, la, mi

    Et toujours le vide et la nuit.

     

    Que veux-tu

    Il fait sombre dans ma tête

    Comme il fait sombre…

     

    Arrête !

    Ça a déjà été dit

     

    Oui, mais mon esprit volette

    Comme un oiseau blessé

     

    Ça aussi, tu l’as pris quelque part

     

    Peut être

    Rran, rran, rran, six fois rran

    Et je ferme mon regard

    Pour entendre

    Sortir de quelque part la voix de Gardel :

    « La noche que me quieras

    Desde el azul del cielo

    Las estrellas celosas

    Nos mirarán pasar”

    C’était ça !

    Je vais aller regarder

    La lune brasiller

    Jusqu’au petit matin.

     

    («La nuit où tu m’aimeras

    Depuis le bleu du ciel

    Les étoiles jalouses

    Nous regarderont passer »

    Alfredo Lepera, Carlos Gardel) 

     

     


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    Je n’ai pas eu la chance/la malchance

    D’une couronne d’épines

    Et ma croix est trop légère à porter

    Je n’ai pas non plus souffert de martyre

    Pas de mort sanguinolente assurée

    Si ce n’est à petit feu, comme tout un chacun

    Une mort si certaine qu’elle ne compte pas

    Pour grand-chose dans nos vies

    Que nous menons d’un pied enquillé dans le rail

    Prétendant l’avoir choisi

    -Faut pas avoir l’air trop attardé-

    Et le faisons même briller en le frottant de l’autre pied

    Comme le chandelier de faux argent hérité de la grand-mère

    Qui a bien essayé de nous mettre en garde

    De nous donner sa boussole

    Rouillée à force de coller à un nord désaimanté

    A ce stade, j’ai reçu comme une flèche cette forte diatribe :

    « L’homme qui se regarde dans cette glace est un con

    Perdu parmi d’autres, incapable de ce fait

    D’avoir une pensée

    Libre

    De lui-même ou de son ombre chancelante

    Qui le poursuit et parfois le devance

    Lorsqu’il montre au soleil son petit cul

    Croyant de tout son corps effacer la mensongère clarté »

    Et à nouveau la voix sereine de la grand-mère

    Mon petit, on ne se refait pas

    Ou alors on s’en prend autrement

    Mais dans ton cas…

    Le silence environnant mit point final

    À l’appel de l’au-delà

    J’ai repris donc mes pieds dans mes mains

    Bifurqué par la première latérale qui se s’offrit à ma perspicacité

    Car celle-là ou une autre

    Peu importe

    Lorsqu’on sait que ce n’est pas tout de suite

    Qu’il fera nuit, qu’il fera frais, qu’il fera vraie

    Comme un éclair

    Que les fameuses langues ne descendront pas sur nos têtes

    Pour rendre nos mots intelligibles

    Comme si c’était possible

    De détourner le déroulement

    De ce foutu destin

    Qui nous happe dans une sombre porte cochère

    Que personne n’avait soupçonné

    Que personne n’avait dénoncé

    Avec l’espoir de trouver l’âme sœur

    Ou, au pire, le con frère

    Qui se jetterait dans la gueule du loup

    Car à tout prendre

    Elle vaut bien l’autre versant

    Dit civilisé

    Du destin de petit malin

    Dont je ne veux à aucun prix

    Et me voilà revenu au début de l’aventure

    Commencée avec mon mensonge habituel :

    Je n’ai pas eu la chance/la malchance

    De porter une vraie et lourde croix

    Et me voici effacé d’entre vous, égaré pour de bon

    Orphelin !

     


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