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Ah ! Dis donc, ce poète
Qui enfile des mots comme des vraies perles
Et saute du coq aux champs
À l’herbe verte sans la moindre beauté
Trainant là sa nudité. Si absente qu’il doit la rêver
La mettre face à son regard de passant rigolard
Face à son sourire jouissif de se savoir le créateur
Le dieu de pacotille de la belle
Qui n’était qu’un cheval
Qui le regardait méfiant
Avant de s’en aller à l’autre bout du champ
Loin de son sourire et de ses rêves
Et de ses soifs jamais comblées
De ses folies ordinaires
Un matin d’un hypothétique printemps
Lorsqu’il coulait sa solitude sur un bout de papier
Le long d’une haie en fil de fer électrifié
Faite pour arrêter les chevaux et les poètes
Même de bon aloi.
Bon sang, vieux frère
Quel joie de lire tes délires
Et de les prendre dans mes mains
Comme s’ils étaient à moi
Ah ! Dis donc, Frère, quel beau poète tu fais !
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La mer a déjà été bue
Et je n’ai pas d’autre solution
Que de sauter par-dessus les ponts
Qui font des ronds
De cocotier en cocotier
Je n’ai pas d’autre raison
Que de passer le temps
Que de bruler le peu d’encens
Qui déborde de mes poches
Depuis les nuits sans lune
Les nuits craintives de l’enfant
Que je ne cesse d’être malgré mes efforts
Et les années qui s’accrochent à ma peau
Sans percer ni la cuirasse ni le secret
Sans me rendre vieux ni sage
Seulement voyageur, voyeur, passant
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J’ai en tête les mots acidulés du poète
Moi qui ai tant couru des mers
Tant parcouru d’iles
Je n’ai jamais mis les pieds dans celle de tes ancêtres,
Pourtant mon grand frère est mort et enterré juste à côté
Mon grand frère vieux de dix-huit jours pour l’éternité
Parti en éclaireur me faire une place au milieu des cannes à sucre
Et des arbres secs de soif et de misère
Revient encore le poète avec son chant lancinant
Avec ses arbres qui n’ont d’autre vert que ses paroles
Que ses promesses qui ne seront jamais tenues
Ni gravées dans le marbre, pas même dans le moelleux des nuages
Je ne sais pas si je dois sortir ma tête du sable
Si je dois ouvrir les yeux et me mettre à regarder autour
Si je dois me mettre à sentir les odeurs du chaud
Au fond de moi, je me dis que je suis maintenant presque là-bas
Maintenant que mes souvenirs marchent le long de l’Ozama
À l’autre bout de l’ile, sœur siamoise n’en déplaise aux chiens
Mais ça c’est déjà une autre histoire pour un public encore absent
Au fond, qui pourrait lire en silence ces mots à la sonorité de crécelle
Et ne pas jeter au loin chaque page arrachée d’un livre de contes
Pour vieux enfants perdus pour la gloire et le labeur quotidien
Qui laisse le sol couvert de la même écume que l’escargot condamné
Faute de nouvelle voix pour conjurer son impuissance
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Un jour ils diront ton nom à voix haute
Ils diront qu’ils t’ont bien connu lorsque tu étais enfant
Ils jureront avoir cuit les briques de ta maison
Éclairé le chemin qui va jusqu’à ta porte,
Faite d’un bois coupé ensemble dans la forêt fantôme
Un jour ils diront qu’ils dormaient lorsque tu es parti
De ton pas silencieux, au milieu de la nuit
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Aujourd’hui j’ai traversé le canal
Éteint d’un souffle la bougie, arraché le battant de la cloche de brume
Déchiré le tableau et son eau miroitante
Pris la route mal pavée, la rive grise qui se perd au loin dans la nouvelle absence.
Jusqu’à m’effacer dans son silence
Ce n’est ni vrai ni faux
Ce n’est rien
Juste une trouée entre deux nuages
Un passage par où faufiler mon regard
Et ma peine
D’être si faible
Chaque jour, chaque heure, chaque instant
Je lis, je remémore, je rêve
Je prête moins que je ne reçois
Chaque page arrachée par mes yeux
Remise par mes doigts dans mon journal
Ira se perdre dans les sables d’un temps inévitable
D’un temps qui ne sera à personne
Qui sera seulement mon allant.
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